Avril 1898



N° 124


Séance du 2 Avril 1898



L'attention des Amiraux a été appelée sur la question suivante :

il est arrivé que des militaires, en garnison sur un point de l’île, et coupables d'absence illégale, ont cherché l'impunité en se réfugiant dans un poste occupé par les troupes d'une autre nation.

La situation particulière des troupes internationales, et les relations si fréquentes, entre soldats qui se partagent souvent les mêmes casernes, ne permettent pas de considérer cette faute comme une désertion ordinaire, et, sans s'inquiéter des règles existantes entre leurs pays, au point de vue de l’extradition, les Amiraux décident que tout soldat se trouvant dans ce cas sera rendu à ses chefs directs sans autre formalité.

Les Amiraux sont informés que le Commandant Supérieur des troupes ottomanes a retiré le 2 Avril, les garnisons turques de Perivolia, de Sicolia, et de Babacouplo et que, par suite, satisfaction complète a été donnée aux demandes formulées dans leur PV du 22 février, N° 117.

Le cordon extérieur de La Canée est tout entier aujourd'hui aux troupes internationales.

Le Colonel austro-hongrois Guzek a remis aux Amiraux un rapport relatif aux travaux de réfection de la route entre La Sude et La Canée, travaux qu'il avait été chargé de surveiller dans la séance du 30 Novembre (PV N° 105 bis).

Ces travaux sont aujourd'hui terminés. Les Amiraux, au moment où le Colonel quitte la Crète, lui adressent leurs remerciements pour le zèle avec lequel il a surveillé ce travail d'intérêt général et le résultat remarquable auquel il est arrivé.

À la fin de son rapport, le Colonel Guzek expose qu'une somme annuelle de 2.220 Fr. lui paraît, désormais, nécessaire et suffisante pour assurer le bon entretien de la route, entre La Sude et Halepa, par La Canée, et propose que cette somme soit prélevée chaque année sur la caisse consulaire.

Cette question sera soumise à l'étude de Messieurs les Consuls.

Le Commandant militaire international à La Canée ferait surveiller l'entretien de la route, si la caisse lui fournissait les fonds nécessaires.

L'Amiral Hinke déclare à ses collègues qu'il sera présent aux séances jusqu’à son départ, mais comme il est sur le point de quitter la Crète, il ne prendra aucune part aux délibérations qui engagent l’avenir.

À bord du « Sardegna », à La Sude, le 2 Avril 1898

Le Commandant Supérieur de la Grande-Bretagne signé :
Randolph F.O. Foote
Le Contre-Amiral russe signé : N. Skrydloff
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro




N° 125


Séance du 5 Avril 1898



L'Amiral austro-hongrois, resté à La Sude, n'assiste pas à la séance.

Le Colonel Chermside, Commandant militaire international, à Candie, est présent.

Le Colonel informe les Amiraux qu'à la suite de la demande adressée aux Ambassadeurs (PV N° 114), il a reçu l'autorisation de prélever, sur le 3% destiné à la caisse consulaire, et perçu à Candie, la somme nécessaire pour payer la demi-solde des gendarmes turcs, tant que les services de ces gendarmes lui paraîtront utiles.

Les Amiraux prient le Colonel Chermside de prendre les mesures nécessaires pour mettre à profit cette concession des Ambassadeurs et user de tout moyen qui lui paraîtra bon pour tirer de cette Gendarmerie le meilleur parti possible.

Depuis fort longtemps, les Amiraux pensent que l'établissement, à Candie, d'un marché où pourraient se traiter des affaires entre la population musulmane réfugiée en ville d'une part, et les Chrétiens de l'extérieur du cordon d’autre part, serait un moyen efficace d'apaisement des esprits.

Des essais ont été faits par le Colonel Chermside pour l'établissement de ce marché, mais jusqu'ici, sans succès.

Pour tenter un dernier effort, les Amiraux ont prié Son Excellence le Gouverneur Ismaïl Bey d’aller à Candie employer son influence auprès de ses coreligionnaires, et le Gouverneur leur déclare aujourd’hui que l'installation du marché est possible, mais il réclame comme compensation de sa démarche, certains avantages pour les Musulmans.

L'Amiral Canevaro, au nom de ses collègues, lui répondra dans ce sens :

Nous fondons, sur la création de ce marché, de sérieuses espérances ; nous estimons qu'il marquera un grand pas dans la voie de l'apaisement, et nous en avons la preuve dans ce qui s'est passé sur les autres points de l’île (La Canée, La Sude, Rethymno, Sitia, et Hierapetra).

Puisque vous estimez que l'installation de ce marché est possible, nous vous demandons de joindre vos efforts aux nôtres et de nous aider à sa création sans aucune condition et sans arrière-pensée.

Si le marché peut être établi comme vous le dites, il doit l'être pour
le bien de tous, et les Amiraux, qui ont fait tous leurs efforts, pour sa création, vous laisseraient toute la responsabilité d’un insuccès.

Au contraire, si cette création réussit, les Amiraux étudieront avec le plus grand soin les propositions que va leur faire le Colonel Chermside pour l'amélioration de la situation des Musulmans de Candie.

À bord du « Sardegna », Candie, le 5 Avril 1898

Le Commandant Supérieur de la Grande-Bretagne signé : R.W. Graigie
Le Contre-Amiral russe signé : N. Skrydloff
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro




N° 126


Séance du 8 Avril 1898



Par suite du départ prochain de la Division navale et des troupes austro-hongroises, les forces maritimes et militaires internationales, vont se trouver réduites au seul moyen des quatre Puissances restant en Crète.

Pour assurer le blocus, qui existe toujours, les Amiraux décident de fixer à chaque nation la partie de côte qu'elle aura dorénavant à surveiller ; et prévoyant le cas où ils auraient à exercer une surveillance à l'intérieur de île, ils déterminent dès aujourd'hui la zone de protection qui reviendrait à chacun d’eux.

Les Anglais protégeront les provinces de :
Malevysi, Keraklion, Temenos, Monophatsi, Kaenurio, Pedhiadha.

Les Russes celles de :
Apokorona, Rethymno, Agios Vasilis, Mylopotamos, Amari Pyrgrotissa.

Les Français celles de :
Merabelo, Lasshiti, Viano, Hierapetra et Sitia.

Les Italiens celles de :
Khania, Kisamos, Selinos et Sphakia.

(Les petites îles restant confiées à la nation qui protège la côte crétoise au Nord et au Sud).

Toutefois, la presqu'île d'Akrotiri, et toute la partie de l’île de Crète qui s'étend au Sud des baies de La Sude et de La Canée restent sous la protection de toutes les Puissances à la fois ; cette région est limitée au Sud par une ligne qui part du Cap Drapano et va à l’île Theodoro en passant par les crêtes de Kabia, Koprana, Xyliaris, Malaxa, Varipetro, Galatas et Marina.

Ile Theodoro

L'île Theodoro


Par analogie avec la délimitation intérieure qui précède,

L’Angleterre est chargée d'assurer le blocus :

1° Sur la côte Nord depuis le Cap Stavros, jusqu'à la province de Merabelo.
2° Sur la côte Sud, du Cap Lithinos à Keraton Bay.

La Russie assure celui :

1. Sur la côte Nord, du Cap Drapano au Cap Stavros
2° Sur la côte Sud, du Cap Vatanos, au Cap Lithinos.

La France, celui du littoral à l'Est des limites anglaises.

l'Italie, celui du littoral à l'Ouest des limites russes.

Mais, la partie de côte comprise entre l’île Theodoro et le Cap Drapano
et qui comprend les baies de La Canée et de La Sude, reste confiée aux quatre nations à la fois, qui délégueront l'une d'elles ou plusieurs suivant les besoins (actuellement les Anglais).

Les troupes austro-hongroises devant quitter prochainement la Crète, la caserne qu'elles occupent à La Sude va se trouver disponible.

Le Maréchal Djemal Pacha a manifesté le désir d’en reprendre une partie pour y loger 150 marins et leurs officiers ; mais les Amiraux, malgré leur grand désir de plaire au Maréchal, ne croient pas ce projet réalisable.

Le besoin, pour eux, d'avoir en rade de La Sude des troupes internationales, pour la garde du matériel qui arrive tout par ce point, le service qu’il va falloir assurer avec leurs troupes, et qui incombait auparavant aux austro-hongrois, les obligent à prendre les logements de ces troupes dont ils vont faire le service et ils prient leur Président de faire savoir au Maréchal qu'il leur est impossible d'accéder à son désir.

À bord du « Wien », à La Sude, le 8 Avril 1898

Le Commandant Supérieur de la Grande-Bretagne signé : R.W. Graigie
Le Contre-Amiral russe signé : N. Skrydloff
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro




N° 127


Séance du 12 Avril 1898



Les Amiraux, ayant reçu de Candie les propositions du Colonel Chermside, relatives à l'extension du cordon, y donnent leur approbation.

Ils laissent au Colonel, présent sur les lieux, le soin de juger quand le moment opportun sera venu d'élargir la zone occupée par les Musulmans et l'autorisent à le faire, après avoir pris toutes les précautions nécessaires pour éviter de froisser la susceptibilité des Chrétiens de telle façon que cet élargissement se fasse, autant que possible, sans résistance de leur part.

Le Commandant Supérieur anglais se chargera de faire cette communication au Colonel Chermside

Les gendarmes turcs de La Canée, avaient été mis à la disposition des Carabiniers italiens, pour concourir au service important de la police (PV N° 90).

À la suite de difficultés, ces gendarmes, dont la demi-solde était payée par la caisse de la surtaxe, ont été remis à la disposition du Gouvernement ottoman (PV N° 98).

Afin de leur donner de l'occupation, les autorités ottomanes ont installé, avec ces gendarmes licenciés, une police qui opère à côté de la police internationale.

Cette organisation est inadmissible.

Sans compter que la direction doit être unique, l'existence d'une police turque est susceptible de diminuer le prestige de la police internationale et de lui créer des obstacles.

Or, cette dernière fonctionne avec toute la régularité désirable, et a rendu de réels services ; elle doit être maintenue telle qu'elle existe :
En conséquence, les Amiraux décident que la police turque devra cesser de fonctionner et ils prient leur doyen, d'adresser au Gouverneur Général, une lettre dans ce sens :

Si les autorités ou la population musulmane ont des plaintes à porter contre la police internationale, les Amiraux sont tout disposés à les accueillir, à les étudier, et à y faire droit, le cas échéant.

La police internationale continuera à faire son service, avec toute la bienveillance possible, mais elle ne devra accepter ni opposition, ni résistance.

Les Amiraux croient que les gendarmes turcs non employés ont leur place indiquée à Candie.

À bord de « l’Amiral Charner », à La Sude, le 12 Avril 1898

Le Commandant Supérieur de la Grande-Bretagne signé : H.S. Stealt
Le Contre-Amiral russe signé : N. Skrydloff
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro

Crète - Occupation Internationale